lundi 10 juin 2013

1870-1871: l'armée des Vosges et les trois batailles de Dijon

Place du 30 octobre, rue Bossack, avenue du Drapeau, avenue Canzio sont des noms plus ou moins familiers pour les habitants de Dijon. Pourtant les événements et les personnes, tous liés à ce traumatisme national que fut la guerre de 1870 auxquels ils font référence sont largement oublié. Oublié aussi que la ville a élu député le 8 février 1871 le champion de l'unification italienne, le chef de l'expédition des Milles, le général Giuseppe Garibaldi alors commandant de l'armée des Vosges. L'historiographie a aussi largement négligé le rôle de la région dijonnaise lors de la guerre de 1870-1871. Si Sedan, Reichsoffen, Gravelotte, Bazeilles sont des lieux de bataille toujours bien identifiés, il n'en est pas de même pour Dijon où Allemands et Français se sont affrontés à trois reprises
La Bourgogne est en effet une région clef dans l'affrontement qui s'amorce après la défaite de Sedan entre les forces allemandes et celles de la jeune IIIe République. Elle constitue un verrou qui commande l'accès à la vallée de la Saône et donc à Lyon mais surtout au bassin de la Loire où Gambetta réorganise l'armée de la République. En clair, si la Bourgogne tombe, disparaît tout espoir de retourner la situation et de prendre enfin l'avantage sur l'Allemagne.
L'oubli dans lesquelles sont tombées les trois batailles de Dijon a des origines éminemment politiques. A l'exception de la première bataille de Dijon en octobre 1870 les deux suivantes sont conduites par l'armée des Vosges, une armée qui au lendemain de l'armistice sent le soufre. Pour la France de l'Ordre moral elle est une abomination puisqu'elle rassemble les volontaires étrangers venus se mettre au service de la République, à l'image de son chef Garibaldi et de ses chemises rouges. Ces révolutionnaires et anticléricaux qui forment une Brigade internationale avant l'heure sont largement calomniés par les proches de Thiers. L'armée des Vosges si elle rassemble de nombreux étrangers compte pourtant dans ses rangs une majorité de Français organisés dans des corps de francs-tireurs. Cette seconde caractéristique est une tare dans la France vaincue puisqu'elle rappelle aux militaires leur incapacité en 1870, humiliation d'autant plus forte que que ces francs-tireurs et étrangers ont obtenu lors de la troisième bataille de Dijon une belle victoire contre les Prussiens. Et ce sont ces militaires qui, après 1870, prennent la plume pour écrire l'histoire de la guerre, négligeant ou minimisant le rôle de l'armée des Vosges et des combats de Bourgogne, tendance toujours perceptible dans l'historiographie française comme le montre la dernière grande synthèse de qualité parue sur la guerre de 1870, celle de Pierre Milza en 2009.

David FRANCOIS





La chute de Dijon et la naissance de l'armée des Vosges (octobre 1870).

Le 19 juillet 1870 la France de Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. Rapidement le conflit tourne à la catastrophe pour la France. Après les défaites de Saint-Privat, Mars-la-Tour et Gravelotte, l'armée de Bazaine s'enferme dans Metz. L'armée de MacMahon est quand à elle vaincue à Forbach, Woerth et Reichsoffen avant d’être acculée à la reddition à Sedan le 2 septembre. L'Empereur est fait prisonnier. A l'annonce de ces désastres, le 4 septembre, la République est proclamée à Paris où se forme un gouvernement de Défense nationale.

Malgré le changement de régime la guerre continue. Fin septembre Paris est encerclée par l'armée allemande. Dans l'Est cette dernière conquiert l'Alsace. Strasbourg, assiégée, se rend le 28 septembre. L'armée du général von Werder est alors libre de descendre par le sud des Vosges puis la vallée de la Saône vers Lyon mais aussi la Loire par Nevers et Dijon. Alors que Léon Gambetta à Tours organise l'armée de la Loire qui doit délivrer Paris, la menace que représente les Allemands qui menacent de prendre à revers cette armée est prise au sérieux. Tenir la Bourgogne devient alors un enjeu fondamental pour la poursuite de la guerre. Mais pour tenir cette région il faut des troupes.

Pour tenir dans l'Est, le gouvernement de la Défense nationale ne peut alors compter que sur quelques milliers de gardes mobiles et des francs-tireurs. Ces deux types de formations sont nées de la loi militaire de 1868, la loi Niel. Cette dernière met sur place la réserve de l'armée, la garde mobile, formée par ceux pour qui le tirage au sort a été favorable ou bien qui ont réussi à se faire remplacer pour effectuer leur service militaire. La loi Niel prévoit également la formation des compagnies de francs-tireurs volontaires. La jeune République peut aussi commencer à compter sur l'arrivée de volontaires venues de l'étranger. Il s'agit de Français expatriés qui rentrent au pays et qui viennent des quatre coins du monde mais également d'étrangers qui veulent se mettre au service du pays de la Liberté. Le plus célèbre de ces volontaires étrangers est le héros de l'Expédition des Milles, le général Giuseppe Garibaldi qui, deux jours après la défaite de Sedan, propose ses services à la France. Le 7 octobre il débarque à Marseille précédé par des centaines de chemises rouges. C'est sur lui que le gouvernement de la Défense nationale compte s'appuyer pour tenir l'Est du pays.

Pour réussir sa mission Garibaldi doit d'abord former une armée. Il peut pour cela compter sur les volontaires garibaldiens mais également sur les autres volontaires étrangers, des Espagnols, des Polonais, des Grecs et même des Égyptiens. Il s'appuie aussi sur des groupes de gardes mobiles et de francs-tireurs. Nommé Commandant en Chef de la zone des Vosges de Strasbourg à Paris il s'installe à Dole le 13 octobre. Le 11 novembre il organise avec ces troupes éparses une armée formée de quatre brigades. Deux brigades sont placées sous les ordres de ses propres fils, Ricciotti et Menotti, les deux autres sont commandées par Louis Delpech vite remplacé par Cristiano Lobbia et Jozsef Bossack-Hauké un Polonais ancien officier du tsar mais qui s'est battu contre les Russes lors de l'insurrection polonaise de 1863. Jean-Philippe Bourdon dit Bordone est chef d'état-major tandis que le gendre de Garibaldi, Stefano Canzio, dirige le quartier général avant de prendre la direction d'une 5e brigade.


Carte des opérations de la guerre de 1870 (home.nordnet.fr)



La première bataille de Dijon (29-31 octobre 1870).
Pendant que l'armée des Vosges s'organise, les troupes allemandes du général August von Werder débouchent des Vosges et arrivent à Lure, à l'ouest de Belfort le 13 octobre. La vallée du Doubs est alors mise en défense par les Français mais les Allemands avancent vers l'ouest et passant par Vesoul marchent sur Gray en Haute-Saône, délaissant Besançon et Dole. Le 26 octobre ils sont à Gray et le prochain objectif qu'ils se fixent est Dijon. Le 27, jour où à Metz, Bazaine dépose les armes, l'armée allemande envahit la Côte d'Or.

Une formation de francs-tireur, « l'armée de la Côte d'Or » du docteur Lavalle organise la défense de la capitale bourguignonne après avoir tenté de ralentir l'avancée allemande prés de Talmay. La défense est organisée avec l'aide du maire Auguste Dubois et du préfet d'Azincourt. Pour défendre la ville il y a aussi la garde nationale et des Mobiles de la Loire, de l'Isère, de l'Yonne et de la Haute-Garonne. Pourtant le général Fauconnet qui commande l'ensemble des troupes régulières dirige un conseil de guerre qui décide à la fois de désarmer la garde nationale et de retirer les troupes sur Beaune. Le 29 octobre les troupes parties, Dijon n'est plus défendue. Les Allemands arrivent alors à Montmuzard à l'ouest de la ville défendue par quelques volontaires. Mais la population dijonnaise, qui est farouchement républicaine, refuse le départ des troupes. Fort de ce soutien, le préfet décide de rappeler les troupes de Beaune, troupes qui rejoignent Dijon dans la nuit du 29 au 30 octobre.

Le 30 octobre, deux brigades badoises approchent de la cité des Ducs de Bourgogne. Des francs-tireurs tentent de ralentir cette progression mais les soldats allemands parviennent à s'emparer du village de Saint-Apollinaire à l'est de la ville et, malgré la résistance des Mobiles de la Lozère, de l'Yonne et de la Côte d'Or, pénètrent finalement dans la ville. Le général Fauconnet est tué quand à lui dans les combats qui ont lieu à l'est de la ville mais aussi vers Fontaine-lès-Dijon et Montchapet à l'ouest de Dijon. Les combats durent près de cinq heures avec l'active participation de la population civile. Une barricade est ainsi construite rue Jeannin. Des civils font le coup de feu tandis que les Allemands en exécutent sommairement quelques-uns en représailles. Au final les Badois perdent 1 600 hommes durant la journée et finissent par se retirer. Mais cette victoire est amère pour les Dijonnais puisque les troupes françaises reculent également jusqu'à Beaune. Le 31, Dijon, sans défenseurs, doit finalement capituler et les Badois entrent dans la ville.

La bataille du 30 octobre 1870 dans les rues de Dijon (gazette-cotedor.fr)


La guerre n'est pas pour autant terminée en Côte d'Or. A Beaune le général Camille Crémer rassemble des troupes éparses dans le quadrilatère Auxonne-Saint-Jean de Losne- Nuits-Saint-Georges-Dijon, tandis que des groupes de francs-tireurs tiennent la vallée de la Saône. Les Allemands ne restent pas inactifs et début novembre ils marchent en direction de Dole où ils savent que Garibaldi organise son armée des Vosges. Mais le détachement badois fait face à une véritable guerre de guérilla et doit finalement rebrousser chemin le 5 novembre. Les Allemands essayent aussi d'avancer vers le sud et atteignent Nuits-Saint-Georges. Là aussi ils doivent affronter une guerre de guérilla. Face à ces résistances les Allemands ne sortent plus de Dijon que pour effectuer des raids et mettre en coupe réglé la campagne. Mais les risques sont grands là aussi car les francs-tireurs, qui connaissent bien la région et sont renseignés par la population, réalisent des embuscades meurtrières comme à Vougeot le 20 novembre.

Pendant ce temps l'armée des Vosges de Garibaldi a quitté Dole pour rejoindre Autun où elle arrive le 9 novembre. L'armée a reçu de Charles de Freycinet, délégué à la Guerre du gouvernement, une nouvelle mission : empêcher que les Allemands qui sont à Dijon ne se portent sur la vallée de la Loire. Pour mener cette mission Garibaldi ne dispose que de 6 000 hommes et presque pas d'artillerie ni de cavalerie. L'armée des Vosges prend donc ses quartiers à Autun, ville de province conservatrice et catholique où la cohabitation est délicate avec des garibaldiens qui ont tiré en 1867 sur les soldats du Pape.


La seconde bataille de Dijon (novembre 1870).
Les Allemands qui sont à Dijon et occupent le nord et le centre de la Côte d'Or ne sont pas assez nombreux pour mener de grandes opérations mais Garibaldi sait également que son armée n'est pas encore de taille pour les affronter dans une bataille traditionnelle. Garibaldi souhaite alors organiser des opérations de guérilla sur une grande échelle afin d'immobiliser le maximum de troupes ennemies. Mais les Allemands ne sortent guère de leurs garnisons et postes. Le général de l'armée des Vosges décide néanmoins d'organiser une action sur Dijon qui doit être soutenue par des attaques de diversion au nord et au sud de la ville.

Au sud de la capitale bourguignonne, le commandant Lhoste organise une embuscade vers Fixin et capture au matin du 21 novembre une patrouille de soldats badois. Puis le 22 ses hommes parviennent à repousser à Chamboeuf un contingent allemand venu les déloger. Pour l'opération au nord Ricciotti Garibaldi dirige la IVe brigade avec pour mission de passer entre Auxerre et Troyes afin de détruire les lignes de communication entre Strasbourg et Paris. Le 14 novembre la brigade quitte Autun pour Saulieu. Quand Ricciotti Garibaldi apprend qu'une garnison d'environ un millier de soldats allemands se trouve à Châtillon-sur-Seine il décide de mener un raid. Le 19 novembre à l'aube ses hommes entrent en silence dans la ville. Le capitaine Michard doit s'emparer de L'Hotel de la Côte d'Or où logent les officiers prussiens. Au signal Michard et ses hommes s'emparent de l’hôtel et capturent ceux qui s'y trouvent tandis que les autres détachements pénètrent dans les maisons qui longent la Grand Rue et mettent hors de combat les Allemands qui y logent. Les soldats allemands qui dormaient dans les autres quartiers se regroupent autour de la mairie. Devant la résistance prussienne qui s'organise, les francs-tireurs décident de se retirer et se dirigent vers Semur-en-Auxois. Dans la bataille les Français ont capturé 123 fantassins et 44 cavaliers prussiens mais aussi six voitures de bagages. Durant le combat le major Alvensleben, le frère des généraux qui commandent les IIIe et IXe corps allemands a été tué.

Quand Garibaldi apprend l'exploit de son fils il estime que le moment est propice pour effectuer son coup de main sur Dijon. Pour cela il organise ses troupes en deux colonnes d'attaque, la première doit progresser par le nord le long de la voie ferrée venant de Paris tandis que la seconde doit suivre la vallée de l'Ouche pour atteindre la capitale de la Bourgogne. Pour que l'opération réussisse il faut néanmoins que joue l'effet de surprise. Mais le 25 novembre, la colonne que dirige Bossack est repérée par le poste allemand de Velars.
Le 26 au matin les troupes de Garibaldi montent sur le plateau qui domine Dijon au nord-ouest. Mais sur ce plateau se trouve la brigade badoise du général-major von Degenfeld. Garibaldi en personne lance le signal de l'attaque. Les Badois sont alors obligés de battre en retraite. Ils abandonnent le village de Prenois pour se regrouper à Darois le long de la route de Troyes. Finalement les Garibaldiens atteignent Darois où ils passent la nuit. Garibaldi qui a apprécié la combativité de ces troupes prend la décision de s'emparer de Dijon par la force. Le 27 au matin la troupe reprend sa marche en avant. Mais elle rencontre les Badois de la 9e compagnie qui l'attendent entre les deux buttes de Talant et Fontaine-lès-Dijon qui commandent l'accès à Dijon. Par six fois les Garibaldiens tentent de briser les défenses allemandes. Ils n'y parviennent pas et doivent se retirer. Les Allemands, qui veulent profiter de l'occasion pour éradiquer toute nouvelle menace, concentrent des troupes et se lancent à la poursuite des Garibaldiens. Delpech qui commande la 3e brigade de l'armée des Vosges stationne à Pasques avec pour mission d’arrêter l'avance allemande. Il parvient à stopper les poursuivants puis se retire à Ancey où là encore il ralentit la progression allemande. Pendant ce temps Garibaldi regroupe ses forces à Lantenay avant de rentrer à Autun.

Les garibaldiens à Dijon (wikipedia.fr)


Les Allemands atteignent finalement Autun le 1er décembre. Ils tâtent les défenses de la ville. L'artillerie entre en action de chaque coté et après quelques escarmouches les Allemands se retirent pour rentrer à Dijon. La prise d'Autun est en effet pour eux de peu d’intérêt et les met même en danger car des troupes françaises stationnent toujours à Beaune.

Débarrassé de la menace de l'armée des Vosges le général Werder en profite pour envoyer une colonne de 2 300 hommes en direction du sud pour sécuriser une région infestée de francs-tireurs. La colonne, harcelée par les francs-tireurs, arrive néanmoins à Nuits-Saint-Georges où le combat s'engage. Les Allemands sont battus et retournent à Dijon. Werder, humilié, veut prendre sa revanche et purger le sud de la Côte d'Or des francs-tireurs. Le 18 décembre c'est prés de 12 000 hommes répartis en 4 colonnes qui prennent la direction de Nuits-Saint-Georges. Les 10 000 mobiles du général Crémer arrivent de Beaune. La bataille est rude, l'une des plus meurtrières de la guerre. La 1ere Légion du Rhône perd ainsi 50% de son effectif. Les Prussiens arrivent malgré tout à entrer dans la ville que les Français évacuent. Mais le 19 décembre, Werder fait rentrer ses troupes à Dijon. Jusqu'à la fin de la guerre le sud de la Côte d'Or reste libre des Prussiens. A l'occasion de la bataille de Nuits-Saint-Georges le général Werder s'exclame « Ce n'est pas la Côte d'Or, c'est la Côte de Fer ! ».

Du début décembre à la fin janvier les combats de grande envergure cessent à nouveau au profit d'opérations de guérilla. Ces dernières sont principalement menées par la brigade de Ricciotti Garibaldi et différents corps-francs dont celui de Charles Bombonnel. Le 5 décembre, 114 Prussiens sont ainsi tués dans une embuscade près de Sombernon.

La bataille de Nuits (bataille-de-nuits.e-monsite)



La troisième bataille de Dijon (janvier 1871).
Fin décembre, la France veut jouer son dernier atout dans la guerre après l'échec de l'armée de la Loire. Gambetta et Freycinet ont réussi à rassembler prés de 140 000 hommes qui prennent la direction de la Franche-Comté pour former l'armée de l'Est sous les ordres du général Bourbaki. L'objectif qui lui est donné est, à partir de Besançon, de remonter vers le nord pour atteindre Belfort, toujours assiégé, et de là marcher sur le nord-est pour couper les arrières allemands de l'Allemagne.

Le général von Moltke est conscient du danger que représente l'armée de l'Est. Il fait évacuer Dijon par les 40 000 soldats de Werder et forme une armée du Sud confiée à Edwin von Manteuffel. Pour couper le mouvement français du sud au nord, de la Franche-Comté à l'Alsace, les Allemands peuvent essayer d'attaquer par l'est sur les arrières de l'armée de l'Est en direction de la Suisse. Mais pour parvenir à fermer la nasse sur des Français trop avancés au nord ils doivent éviter d’être pris à revers par les troupes qui stationnent en Bourgogne, c'est à dire l'armée des Vosges de Garibaldi.

Deux corps d'armée allemands venant de la région parisienne sous les ordres de von Manteuffel ont franchi la Saône et un autre l'Ognon et marchent sur Dole et Mouchard pour couper les voies ferrées qui ravitaillent depuis Lyon l'armée de l'Est et peuvent aussi lui permettre de se replier. Une fois les voies prises les Allemands pourront alors remonter vers le nord-est et prendre à revers Bourbaki. Pour protéger ce mouvement, des troupes sont détachées pour marcher sur Dijon par le Nord tandis que les troupes de von Kettler doivent attaquer par le Nord-ouest. Le but de ces attaques est clair : il faut empêcher que l'armée de Garibaldi ne sorte de Dijon et ne marche sur le Jura pour attaquer à revers les Prussiens.

C'est alors que débute la seconde invasion de la Bourgogne par le nord-ouest cette fois-ci. Les Prussiens arrivent en effet par la route de Paris. Les francs-tireurs essayent de retarder cette progression par des opérations de guérilla dans la vallée de la Seine à Courceaux le 2 janvier, à Semur-en-Auxois le 7, à Crépand le 8. Les Allemands continuent à avancer.

Alors que la menace prussienne se précise dans le nord-ouest, Garibaldi arrive à Dijon et se rend d'abord sur la butte de Talant qui commande l'accès à la ville. Dans l'Est, Bourbaki est battu à Villersexel le 9 janvier. Le 17, ce dernier ordonne la retraite car Manteuffel a réussi à passer entre Langres et Dijon et arrivent sur les arrières de l'armée de l'Est. L'armée des Vosges a pourtant tenté de ralentir l'avance de Manteuffel. La IVe brigade de Ricciotti Garibaldi a attaquée à Baigneux-les-Juifs. Celle du général Lobbia a harceler si bien les Allemands que le 15 janvier la brigade n'a plus la possibilité de rejoindre Dijon et doit se réfugier à Langres. La brigade de Ricciotti Garibaldi parvient quand à elle à rentrer à Dijon le 16 janvier.

Le jour où la IVe brigade rejoint Dijon, Garibaldi apprend que 4 régiments prussiens sous les ordres de von Kettler marchent sur la ville. Les francs-tireurs essayent toujours de ralentir cette avance au cours d'accrochage sanglant comme celui à Verrey-sous-Salmaise le 17 janvier. Dijon prépare sa défense tandis que de rares renforts viennent soutenir les Garibaldiens.

Le 21 janvier les troupes de von Kettler arrivent par les trois grandes routes qui mènent à Dijon. La colonne principale vient par celle de Troyes et Châtillon, une autre par la route de Langres et la troisième par la route de Paris le long de la vallée de l'Ouche. Les premiers combats ont lieu sur la route de Troyes où les soldats du général Bossack affrontent les Allemands à Prenois avant de se réfugier à Fontaine-lès-Dijon. A l'ouest les hommes de Menotti Garibaldi arrêtent les Allemands à Plombières. Mais le champ de bataille s'élargit aussi au nord de Dijon quand le village de Messigny est attaqué. Ricciotti Garibaldi organise une contre-attaque rapide : les Prussiens perdent alors prés de 150 hommes et doivent quitter le village.

Au centre les troupes de Bossack sont en difficultée. Elles sont avancées jusqu'à Daix mais là elles se sont heurtées à une forte résistance. Bossack est tué et la moitié de ses hommes sont hors de combat. Les autres battent alors en retraite et se réfugient vers les buttes de Talant et Fontaine-lès-Dijon tandis que les Allemands les poursuivent. L'axe principal de l'attaque allemande devient dès lors cette route de Troyes qui, entre les deux buttes de Fontaine-lès-Dijon et Talant, mène au cœur de Dijon. La colonne allemande descend le vallon en direction de Fontaine-lès-Dijon. Le combat qui s'engage alors avec les hommes de Menotti Garibaldi et le reste de la brigade Bossack est violent. Garibaldi père qui suit les combats à partir de Talant sait que si les Poméraniens s'emparent de la butte de Fontaine il sera impossible de tenir Dijon. La Ve brigade de Stefano Canzio et la IVe de Ricciotti Garibaldi arrivent en renfort. Les Allemands sont repoussés mais attaquent Talant où ils font désormais porter le gros de leurs efforts. Les combats sont acharnés et très meurtriers. Les Français contre-attaquent avec succès mais ils sont stoppés net devant le village de Daix et doivent se replier sur Talant poursuivis par les Allemands. Le sort du combat se joue alors avec la prise du village d'Hauteville qui domine le champ de bataille. Contournant Daix les soldats de Garibaldi parviennent à s'emparer de la position. Les Allemands échouent donc finalement dans leur projet de s'emparer de Dijon par le Nord-Ouest. Ils ont en outre perdu près de 500 hommes contre prés de 800 hommes pour l'armée des Vosges.

La mort de Bossack (laguerrede1870enimage.fr)


Le 22 janvier les Garibaldiens accentuent leur avantage dans cette partie du secteur. Ils descendent de la butte de Talant pour faire reculer les Prussiens et reprendre Daix. Finalement les Allemands se retirent : ils ont été contenus et refoulés avec de lourdes pertes. Freycinet envoie alors un télégramme de félicitations mais les Allemands continuent de se renforcer en Côte d'Or et se préparent à un nouvel assaut.

Le 23 janvier, les Garibaldiens sont toujours à Talant et Fontaine-lès-Dijon tandis que troupes allemandes avancent par le nord, par la route de Langres sur un terrain sans obstacle. Un peu à l'écart de cette route se trouve une grande villa, le château de Pouilly, où stationnent des soldats français, des Mobiles. Les Allemands bombardent la position mais les Mobiles tiennent. Les Prussiens passent alors à l'attaque. Sous le nombre les Français reculent sauf neuf soldats qui résistent dans le château. Les Allemands sont alors obligés de mettre le feu pour les déloger. Pour faire bonne mesure ils jettent un prisonnier blessé dans le brasier pour faire taire toute résistance.

Les Garibaldiens arrivent en renfort pour défendre le nord de la ville. La IVe brigade de Ricciotti Garibaldi se poste dans le seul bâtiment existant le long de la route, l'usine Bargy, en réalité un établissement d'équarrissage. Des obus prussiens tombent sur l'usine avant que les Poméraniens des 2e, 61e et 21e régiments n'avancent. Les soldats de Ricciotti Garibaldi les laissent approcher avant d'ouvrir un feu nourri. Les Poméraniens sont cloués sur place. Pour contourner l'obstacle des troupes allemandes parviennent à déborder l'usine par l'ouest. Les Garibaldiens doivent alors évacuer le bâtiment mais ils parviennent à se retrancher dans la cour.

Les Poméraniens continuent à attaquer l'usine. Les fusillades se déroulent à bout portant. Les Allemands subissent de lourdes pertes notamment en officiers. Quand le soldat qui porte le drapeau du 61e régiment poméranien tombe, la lutte devient plus acharnée encore puisque les autres fantassins allemands qui s'en emparent sont abattus par les francs-tireurs. C'est alors un monceau de cadavres qui séparent chaque camp. Quand la fusillade cesse enfin il ne reste plus qu'une poignée de soldats poméraniens qui abandonnent rapidement le terrain mais également le drapeau de leur régiment. Les Allemands continuent à attaquer ailleurs mais ils se heurtent aux soldats de Canzio qui viennent de Montchapet. L'usine Bargy est dégagée puis vient le tour du château de Pouilly. Sans point d'appui les Allemands battent alors en retraite en direction de Langres. Ils n'essayeront plus de reprendre Dijon. Cette bataille est l'une des rares victoires françaises de ce désastre nationale que fut la guerre de 1870.

La prise du drapeau (laguerrede1870enimage.fr)


Le 26 janvier les Garibaldiens défilent victorieusement dans la ville dont les abords sont dégarnis de Prussiens. Le 28, alors que les combats sont terminés en Bourgogne, l'armée des Vosges se dirige vers Dole pour porter secours à Bourbaki. Le 29, les Garibaldiens sont à Dole mais aussi à Bourg-en-Bresse. Ce jour là, la France a déjà capitulée. Mais à la demande de Bismarck, le Doubs, le Jura et la Côte d'Or ont été exclus de l'armistice. Ce délai permet de mettre un point final à la déroute de l'armée de l'Est. Encerclés sur les plateaux du Haut-Doubs les restes de la troupe, affamés et gelés, franchissent la frontière suisse pour être désarmés et internés.

Le drapeau poméranien pris par les garibaldiens à Dijon (laguerrede1870enimage.fr)



Le 1er février 1871, Dijon est de nouveau occupé par les Allemands. Elle le reste jusqu'au 12 octobre 1871. La Ville s'engage à respecter le monument aux morts allemands construit par les troupes d'occupation. En 1937, un représentant de l'ambassade d'Allemagne vient encore officiellement le visiter. Le drapeau du 61e régiment poméranien, l'un des deux seuls pris à l'ennemi lors de la guerre de 1870 est conservé à Paris aux Invalides avant d'etre repris par les Allemands en 1940. En 1899, la ville de Dijon reçoit la Légion d'Honneur des mains du président de la République Emile Loubet pour les combats du 30 octobre.

Le défenseur de Dijon, Giuseppe Garibaldi est élu député de la Côte d'Or le 8 février. Devant une Assemblée nationale largement conservatrice et hostile au révolutionnaire italien, Victor Hugo prend sa défense : « De toutes les puissances d'Europe aucune ne s’est levée pour défendre cette France qui, tant de fois, avait fait sienne la cause de l'Europe... pas un roi, pas un État, personne... un homme est intervenu... le seul des généraux français qui... n'ait pas été vaincu... » Garibaldi ne siège qu'une fois avant de démissionner et de rentrer sur son île de Caprera au large de la Sardaigne où il s'éteint en 1882. Sa mémoire est largement délaissée à Dijon où ne subsiste, pour rappeler son passage, qu'un modeste buste placé contre un mur à plus de 3 mètres du sol derrière un arbre. A 67 ans, en août 1914, Ricciotti Garibaldi, demande à nouveau à s'engager dans l'armée française pour combattre l'Empire allemand.


Bibliographie.
-Giuseppe Garibaldi, Mémoire d'un chemise rouge, Sextant, 2008.

Sur la guerre de 70.
-François Roth, La guerre de 1870, Fayard, 1990.
-Pierre Milza, L'année terrible - La guerre franco-prussienne septembre 1870 - mars 1871, Perrin, 2009.

La guerre en Bourgogne.
-Robert Molis, Les Francs-Tireurs et les Garibaldi. Soldats de la République : 1870-1871 en Bourgogne, Tirésias, 1995.
-Lt-Colonel de Coynart, La guerre à Dijon, 1870-1871, relation militaire, Dumaine, 1873.
-Robert Middelton, Garibaldi, ses opérations à l'armée des Vosges, Garnier Frères, 1872.

PS: l'auteur dédie ce texte à son arrière-arrière-arrière grand oncle, Joseph Carpentier, épicier, tué d'une balle allemande en plein front en défendant Dijon le 30 octobre 1870.


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